jeudi 6 août 2015

Ces livres adaptés au cinéma : Il faut qu'on parle de Kevin (We need to talk about Kevin) de Lionel Shriver

Pour ce nouvel article des adaptations cinématographiques, j'ai décidé de lire Il faut qu'on parle de Kevin de Lionel Shriver. Le sujet est un peu difficile, du moins il l'est pour moi, mais c'est aussi pour ça que ce livre (et donc le film!) m’intriguait autant : plonger dans ce type de fiction me permet de prendre du recul pour mieux réfléchir aux sujets abordés.


Il faut qu'on parle de Kevin est un livre écrit par Lionel Shriver (et j'ai envie préciser que c'est une femme car je me suis posée la question), publié en 2003 aux Etats-Unis et en 2006 en France. Il est écrit sous forme de lettres qu'Eva adresse à son mari, Franklin, avec qui elle ne semble plus habiter. Eva revient sur sa vie avec lui, se remémorant leur vie commune plus ou moins à partir du moment où ils décident d'avoir un enfant. Eva continue à raconter à son mari sa vie quotidienne depuis qu'elle est devenue mère, et la façon dont ils ont élevé Kevin. Cela peut sembler assez vain, après tout Franklin est censé savoir tout cela, mais Eva en profite pour lui (re)expliquer tout ce à quoi il n'a pas assisté lorsqu'il travaillait. Et surtout, on comprend petit-à-petit, à travers les lignes au début, puis explicitement après, que Kevin a tué neuf personnes de son lycée. Eva cherche à répondre à la question qui la tourmente : Pourquoi ? qu'est-ce qui a pu pousser son fils à cet acte, et qu'elle part a-t-elle dans cette tuerie?

Mon avis est assez mitigé : le livre est captivant parce qu'il nous emmène dans l'intimité d'une famille, et plus que ça, il nous emmène dans les pensées les plus profondes d'une personne. Eva écrit certaines choses qu'elle n'a jamais osé dire avant, et je voulais toujours en savoir plus. Oui c'est mon côté curieux (quand je fais du politiquement correct) mais aussi voyeur (soyons réaliste!) : comment une famille qui en apparence fonctionne (à peu près) bien peut laisser échapper un tueur?

D'un autre coté, certaines choses m'ont beaucoup dérangées; la plus importante étant que Kevin est décrit dès sa naissance comme néfaste, avec un regard particulier et une volonté de nuire à sa mère dès ses touts premiers mois (je vous parle d'un bébé de moins de 3 mois là). Et ça non. Alors d'accord, j'ai essayé de me dire que c'était une perception d'Eva et non pas la "réalité", et que l'interaction entre la mère et l'enfant influe le comportement de l'enfant... mais non. En fait, même si Eva ne minimise pas ses erreurs dans l'éducation de son fils, le livre a un peu perdu de sa crédibilité à mes yeux à ce moment. A cela s'ajoute un autre problème de crédibilité, mais je risque de vous spoiler le livre, donc rendez-vous plus bas si vous souhaitez savoir de quoi il s'agit !*


Au final, j'avais lu une revue disant qu'aucun des personnages du livre n'est attachant...et c'est vrai. Les erreurs de chacun sont trop flagrantes et trop importantes pour que les personnages donnent envie qu'on compatisse avec eux. Et pourtant j'ai été bien émue à la fin.

Je me rends compte que mon avis semble assez négatif, et pourtant je ne dirai pas que je n'ai pas aimé le livre. Il a bien fait ce que j'attendais de lui : il m'a donné à réfléchir. Pas forcément sur l'éducation comme ce que j'attendais, ni forcément sur l'après-tragédie, sur  mais sur la place de la femme dans sa propre vie : les erreurs d'Eva semblent a posteriori faciles à identifier, mais je serai capable d'en faire plusieurs parce que sur le coup ça parait évident. Au final j'ai classé ce livre comme faisant partie des OVNI de ma bibliothèque : je suis incapable de dire si j'ai aimé ou non, mais je ne regrette pas de l'avoir lu.





Et le film dans tout ça ? Le livre a été adapté en 2011 au cinéma par la réalisatrice Lynne Ramsay, avec Tilda Swinton dans le rôle d'Eva et Ezra Miller pour Kevin. Et bien le film m'a fait le même effet que le livre : oui pourquoi pas, mais quel est le but de cette histoire?
Comme beaucoup de film (je crois que je le dis à chaque fois d'ailleurs!) la voix de la narratrice n'est pas présente : c'est toujours un peu difficile, je trouve, d'adapter un livre où le narrateur fait partie de l'histoire et nous donne ses sentiments. Ici, on ne se trouve jamais vraiment dans les pensées d'Eva, mais son histoire est racontée à travers des flashbacks. Comme dans le livre, les événements se mettent petit-à-petit en place et on cherche à comprendre ce qui a amené Kevin à tuer les élèves de son lycée.

Malgré un film assez long (presque 2 heures), j'ai trouvé qu'il manquait quelque chose pour bien comprendre ce qui se passe. Attention, je ne dis pas que je m'attendais à comprendre les actes de Kevin; ni le livre ni le film ne donne de réponse à ce fameux Pourquoi? (et je pense c'est le but, de ne pas répondre à cette question). C'est juste que je ne comprends pas vraiment pourquoi raconter cette histoire : c'est une chronique familiale dramatique, et c'est tout. Dans le livre, les lettres d'Eva ont un but thérapeutique : elle raconte son histoire pour se la réapproprier et pour appréhender le futur. Mais le film n'est qu'une succession de souvenirs entremêlés au nouveau quotidien d'Eva. J'avoue tout de même que les personnages sont un peu plus attachants, et notamment parce que plein d'éléments ont été supprimés, dont les pensées d'Eva.


Tout comme le livre, je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé le film : je n'ai pas vu l'heure passer, je ne me suis pas ennuyée, mais je n'ai pas trouvé ça fantastique non plus.

Est-ce que je vous conseille de lire le livre ou de regarder le film ? Tout dépend de vous; je sais que je ne le conseillerai pas à tout le monde. Si vous voulez passer un moment de détente tranquillement, alors je vous dis non. Et dans tous les cas, que vous lisiez le livre ou que vous regardiez le film, prévoyez de faire quelque chose qui vous mette de bonne humeur après, car on ne va pas se mentir, c'était un peu déprimant.



*ce qui suit est un spoiler

SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER SPOILER 

Eva décide d'avoir un deuxième enfant, un peu comme si elle voulait équilibrer les choses. Et là, pour moi, on sort de la réalité-fiction pour passer dans la réalité-magique (pas sure du tout que magical-realism se traduise comme ça, mais vous m'avez compris) : Celia équilibre tellement bien les choses qu'elle est l'exacte opposé de Kevin sur absolument tout. Il est brun aux yeux noirs? Elle est blonde aux yeux bleus. Il pleurait sans cesse quand il était bébé? Elle ne fait absolument aucun bruit, même pas pour demander à manger. Il rejette sa mère ? Elle est constamment collée à sa mère. Il est le fils de son père? Elle est la fille de sa mère. Bref, j'estime que cette partie là était inutile; Celia ne sert qu'à montrer que Kevin est malfaisant et qu'il ne s'attache a rien ni personne, même pas à sa trop mignonne petite sœur. Et en fait, s'il peut atteindre sa mère à travers sa sœur, c'est encore mieux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire